a. Les basiques de l'IA
De quoi parle-t-on ?
Derrière les mots se cachent des enjeux importants. Alors que le terme d'intelligence artificielle semble être rentré dans le vocabulaire courant, la question de savoir ce qu'il recouvre reste entière et il n'y a pas à ce jour de consensus sur sa définition. Pourquoi alors ce terme d'IA et ce qu'il recouvre ne fait pas plus controverse ? À qui profite l'existence d'un « objet » IA ? Au-delà du problème de définition, les mots chargés de sens d'intelligence et d'artificiel charrient nécessairement avec eux des grands récits et entraînent des représentations erronées de ce qui est en jeu.
Et si IA signifiait plutôt « Informatique Avancée » ?
Ce qu'est l'IA
Un produit sur un marché concurrentiel
L'IA est devenue un produit hautement stratégique sur un marché ultra-compétitif où s'affrontent les géants technologiques, avec des enjeux financiers colossaux. Mais l'histoire de l'IA est marquée par des périodes d'intérêt intense suivies de phases de désillusion (« hiver de l'IA »). Aujourd'hui, c'est autour de l'Intelligence Artificielle Générative que se concentrent les questionnements autour d'une possible bulle.
Un processus de traitement de données
L’IA, c’est d’abord une question de traitement de données et de choix. L'IA calcule massivement des corrélations, classifie, compare, reconnaît, priorise, génère des suites probables, plausibles Et, à partir de là , elle est un outil de décision ou d’aide à la décision, en quasi temps réel et dans un univers changeant.
Des interactions humains-machines
L’IA interagit avec l’homme : elle produit des recommandations, des prédictions, des décisions, du contenu. Différents systèmes d'IA varient dans leur niveau d'autonomie, dans leur niveau d'adaptation dans leur environnement, la nature des interactions peut ainsi varier grandement, elles peuvent être positives ou négatives en fonction du modèle.
Un paradigme de réponse
L’IA est statistiquement vraisemblable. Elle doit répondre à l’utilisateur, y compris des réponses « hallucinées ». Dans la méthode de descente du Gradient (qui est une des méthodes utilisées pour optimiser ce que l'on appelle les « paramètres du modèle »), il y a des astuces qui font que l’on peut par exemple descendre sur la mauvaise solution. Plus l'IA est ciblée, plus elle est précise. Plus les IA sont ciblées sur un domaine limité, meilleures elles seront.
Une empreinte écologique
John Von Neumann, qui a travaillé avec Turing, a défini l'architecture toujours valable d'un ordinateur : une mémoire et une unité de processeur et de traitement de l'information. Cette architecture n'est par nature pas parallèle, mais séquentielle. Pour faire du parallélisme massif dans les grands modèles de langage (les « LLM »), on a détourné les processeurs graphiques (« GPU ») pour faire des fermes et traiter des données massives. Au départ, les GPU étaient destinés aux jeux vidéo. Pour réduire l'empreinte environnementale, il faudrait soit faire apprendre les modèles sur des bases très réduites (hébergeables sur des PC basiques), soit radicalement abandonner l'architecture de von Neumann et passer à de nouvelles électroniques à base de nouveaux matériaux. Une autre possibilité est, évidemment, la sobriété dans les usages de l'IA.
Ce que n'est pas l'IA
Objective
Non, les grosses machines ne se débrouillent pas sans l'humain. Non, l’apprentissage auto supervisé sans intervention humaine n’existe pas. L’IA n’est pas une machine objective car les bases de données sont choisies, limitées, formatées.
Intelligente
L’IA n’est pas intelligente. Le seul modèle d'intelligence qu'on connait aujourd'hui, c'est l'intelligence humaine.
Le sens commun
L’IA n’a pas de sens commun, pas de bon sens. Un enfant de deux ans sait comment bouge un serpent. Pas une IA.
Universelle
Aucune IA n’est entrainée sur une base pouvant être considérée comme universelle, couvrant l’ensemble de l'internet humain. L’IA n’a pas accès à un pool illimité et exhaustif de connaissances. Il en résulte nécessairement des biais, notamment de sélection.
Située
L’IA n’a pas d’ancrage dans le monde, elle n'a d'ailleurs pas de notion du monde.
L'IA une matière spéciale à travailler
Cette formulation a été retenue dans le cadre du projet Secoia Deal pour identifier les spécificités des systèmes IA en comparaison d’autres technologies numériques.
Même si définir l'IA est objet de débats et de controverses, la conviction qui a traversé le projet DIALIA est que l'IA n'est ni une technologie ni un objet socio-technique comme les autres, Prendre la mesure de ces spécificités est apparu essentiel tout au long du projet pour réfléchir aux moyens par lesquels les modalités du dialogue social doivent s'adapter et pour que se mettent en place les conditions d'une mise en œuvre vertueuse de l’intelligence artificielle, au service et non au détriment des organisations du travail.
L'intérêt de la définition du groupe d'experts de l'OCDE ci-dessous est double. D'une part cette définition est la base de celle qui a été retenue dans la loi européenne sur l'IA, d'autre part elle est suffisamment large pour couvrir trois caractéristiques essentielles des systèmes d'IA, du point de vue de leurs effets et des conséquences que l'on peut en tirer pour le dialogue social :
- Les systèmes d'IA permettent une prise de décision plus ou moins automatisée,
- Ils le font avec un certain degré d'autonomie,
- Les systèmes d'IA interagissent avec et influencent leur environnement.
Selon le groupe d'experts de l'OCDE :
Un système d'IA est un système basé sur une machine qui, pour des objectifs explicites ou implicites, déduit, à partir des données qu'il reçoit, comment générer des résultats tels que des prédictions, du contenu, des recommandations ou des décisions qui peuvent influencer des environnements physiques ou virtuels. Différents systèmes d'IA varient dans leurs niveaux d'autonomie et d'adaptabilité après leur déploiement
Deux caractéristiques essentielles doivent également être mises en avant si l'on veut bien comprendre en quoi l'IA se distingue d'autres technologies numériques quant à ses effets dans le monde du travail :
- Les systèmes d'IA ne sont pas des technologies « finies » lorsqu'ils sont introduits sur le lieu de travail. Les systèmes d'IA peuvent avoir, grâce à l'apprentissage automatique, une capacité d'auto-amélioration qui accroît leur complexité. La temporalité et le cycle de vie caractérisent ces modèles. Il peut en résulter une incertitude quant à la manière dont les systèmes d'IA se comporteront dans un contexte spécifique. Cette adaptabilité peut améliorer les performances au fil du temps, mais elle introduit également des effets imprévisibles.
- Parce qu'ils sont instantanés, interactifs et opaques, les systèmes d'IA ont le potentiel de transformer profondément le contrôle organisationnel et managérial. Le nouveau mode de management « algorithmique » qui en résulte est dès lors fondamentalement différent des structures historiques jusque-là dominantes qui s'appuient principalement sur les individus pour prendre les décisions de gestion sur le lieu de travail.
Des ressources pratiques pour aller plus loin ...
La confrontation des multiples expertises mobilisées tout au long du projet DIALIA a fait ressortir la place centrale du facteur humain – plutôt que « expertise » humaine qui peut prêter à confusion – pour réussir le déploiement de tout projet de SIA. Cela contredit tous les à priori sur le sujet induits par une rhétorique trompeuse, le terme « intelligence » artificielle laissant entendre qu’un SIA peut fonctionner efficacement seul, en parfaite autonomie voire indépendamment des humains. D’où les fantasmes les plus radicaux autour du grand remplacement des humains par l’IA !
Partant donc de ce constat partagé qu’il n’y a pas de SIA efficient sans humains pour l’alimenter en données qualitatives tout au long de sa vie opérationnelle, la question du dialogue technologique, mais aussi et surtout du dialogue social au sein de l’entreprise, en amont et pendant le déploiement d’un SIA, est incontournable et doit être outillé.
Les ressources présentées dans cette partie du guide résultent d'une sélection par les participants au projet DIALIA et ont une visée de simple acculturation à l’environnement IA. L’objectif n’est donc pas, loin de là, de prétendre à l’exhaustivité et nous les compléterons au fil du temps, notamment avec la mise à disposition de ressources plus institutionnelles dans le cadre de la démarche portée par le LaborIA.
Il s’agit de partager des outils simples qui ont paru, dans le cadre du projet, pertinents pour aider les parties prenantes au sein de l’entreprise (employeurs et salariés) à :
- 1. Comprendre les principes de fonctionnement de l’IA
- 2. Partager un langage commun : première pierre indispensable pour instaurer un dialogue social constructif
- 3. S’emparer, de façon autonome ou accompagnée, des enjeux de l’introduction de l’IA dans les organisations
Ressources en accès libre & autonome
Un Glossaire de l'IA : Répertoire de définitions utiles pour mieux comprendre les termes employés quand on parle d'intelligence artificielle.
Une sélection de dates importantes de l’IA par les participants au projet DIALIA.
Un parcours « DIAG » , en 4 phases d'activités personnalisées, qui vise à faire découvrir les contributions envisageables des systèmes d'IA dans les tâches professionnelles selon le métier et l'entreprise. L'outil a, comme DIALIA, bénéficié d'un co-financement de l'ANACT.
Le site du LaborIA , le laboratoire de recherche-action dédié à l’impact de l’intelligence artificielle dans le milieu professionnel fondé en 2021 par le Ministère du Travail et l'Inria, qui a vocation à devenir la plateforme d'information et de ressources sur les enjeux travail de l'IA.
Dans les algorithmes, une newsletter qui veut « poser les enjeux de la société numérique, comprendre l’impact social des technologies et de l’automatisation sur nos vies », une mine d'information pour tous ceux qui cherchent à comprendre les enjeux concrets de l'IA, décrypter les cas d'usage, les modèles économiques, etc.
Le module en ligne Class'Code IA (10’ à 15’)
À la portée de tout le monde pour se questionner et expérimenter à toute petite échelle l’apprentissage machine : Simple et ludique. Les participants au projet DIALIA en témoignent !
Le CEA propose des vidéos courtes en ligne qui expliquent bien certains concepts clés, tels que :
- IA et Algorithme (3’)
- ou encore le fonctionnement de l’IA (3’) pour comprendre les notions d'apprentissage machine, de deep learning et de renforcement
- Une vidéo revient également sur l'histoire de l’IA dynamique (7’) avec ses hauts et ses bas en lien avec les capacités techniques disponibles et/ou les questions éthiques
Un QUIZZ en ligne très intéressant, accessible librement, qui pose les bases d’une réflexion de fond à travers notamment les thèmes « surveillance », « activité réelle de travail » ou encore « reconnaissance au travail » (environ 30 min)
Une vidéo d’introduction à l’IA primée pour sa pédagogie et disponible en libre accès sur YouTube (40’). Les sous-thèmes suivants y sont abordés :
- L'intelligence artificielle c'est quoi ?
- Comment fonctionne une intelligence artificielle ?
- De la naissance à l'âge adulte, l'IA au fil du temps
- Les grandes applications de l'IA
- Quelle place pour l'IA dans notre société ?
Pour aller un peu plus loin, les webinaires en ligne de la CNIL éclairent utilement toutes les problématiques autour de la gestion des données générées par le développement accéléré de l’IA. On peut citer notamment :
- Les fondamentaux de la sécurité des traitements de données personnelles
- Sécurité des systèmes d'IA : enjeux et bonnes pratiques
- Techniques d’IA protectrices de la vie privée : tour d’horizon et perspectives
Ressources dont l’appropriation
nécessite un accompagnement
« La boîte noire » de l’ANACT destinée aux PME-TPE principalement, reprend les questions essentielles à se poser avant l’introduction d’un SIA, à travers 6 axes comme les 6 faces d’une « boîte noire ». L’idée de base est de faire prendre conscience aux participants que quoique « novices » ils sont en capacité de poser les bonnes questions et de disposer ainsi des bases d’une grille d’instruction de projets SIA.
Le Jeu de l’IA créé par l’institut syndical européen ETUI, et en cours d'adaptation en version française par l'ANACT.
Centré sur le dialogue social, via une approche par jeu de rôle à réaliser en groupes restreints de partenaires sociaux, accompagnés par un facilitateur maîtrisant le sujet. L’objectif est de faire émerger les enjeux concrets liés à l’IA et d'amener les participants à développer une approche critique équilibrée : l’IA induit des problématiques (QVCT, RGPD, etc.) mais met aussi à disposition des ressources nouvelles qui peuvent bénéficier à tous les acteurs de l’entreprise.
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